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Syndrome HSHA chez le chien : Comment différencier un problème d'éducation d’un trouble comportemental


chien allongé salon détruit

pikisuperstar/Freepik


La diversité des tempéraments canins est une réalité bien connue des propriétaires de chiens. Certains sont calmes et posés, tandis que d'autres débordent d'énergie. Cependant, que se passe-t-il lorsque votre compagnon semble être excessivement sensible ou hyperactif ? Il se pourrait qu'il soit atteint du syndrome d'hypersensibilité-hyperactivité canine (HSHA), un trouble neurodéveloppemental. Ce scénario illustre une question cruciale : comment distinguer un problème d'éducation d'un trouble comportemental ?


A partir d'une récente étude scientifique, nous allons examiner le syndrome HSHA et son diagnostic. Nous en profiterons aussi pour élargir la discussion au sujet de la psychiatrie vétérinaire - une discipline relativement récente qui apporte un nouvel éclairage sur la santé mentale de nos animaux de compagnie et sa prise en charge.


Le cadre : qu'est-ce que la psychiatrie vétérinaire ?

Les animaux, tout comme les êtres humains, possèdent un cerveau qui traite les informations provenant de leur environnement afin de prendre des décisions qui se traduisent par des comportements. Par exemple, si votre chien détecte une odeur de jambon (l'information externe), il prendra la décision d'en chercher l'origine, ce qui provoquera un déplacement de son tapis vers votre cuisine (le comportement).


Cependant, il peut arriver que, de manière similaire aux êtres humains, les circuits cérébraux responsables de ces processus ne fonctionnent pas correctement. Les causes de ces dysfonctionnements sont nombreuses, certains étant dus à des problèmes développementaux ou génétiques, d'autres sont influencés par des facteurs environnementaux ou peuvent être dus à des accidents, etc. - un sujet vaste et passionnant que nous ne pouvons pas traiter ici.


Lorsque ces processus sont altérés, cela se manifeste par une diversité de symptômes comportementaux. Voilà précisément le domaine de la psychiatrie vétérinaire : repérer les situations où les symptômes, c'est-à-dire les comportements, indiquent un dysfonctionnement au niveau cérébral plutôt qu'une maladie organique ou une cause d'origine environnementale. Et pourquoi est-ce crucial ? Parce que le traitement du problème ne sera pas du tout le même dans ces différents scénarios, même si les symptômes peuvent paraître similaires.


Pour illustrer avec un exemple humain : imaginez que quelqu'un ait des difficultés d'élocution. Cela pourrait être dû à une douleur à la mâchoire suite à une opération, auquel cas c'est un problème somatique traitable avec un anti-inflammatoire. Alternativement, il est possible que la personne parle une langue étrangère qu'elle maîtrise mal, ce qui indique un manque d'expérience remédiable avec des cours supplémentaires. Ou bien, cette personne peut être atteinte de dysphasie, un trouble neurodéveloppemental du langage qui demande un traitement spécialisé. Comme nous venons de le voir, un même comportement peut être le résultat de différentes causes, et le travail du vétérinaire comportementaliste sera précisément de poser un diagnostic clair sur l'origine du problème afin de mettre en place un traitement médical et/ou comportemental adéquat.


Ce qu'il est essentiel de retenir, explique le Dr Sylvia Masson, spécialiste en médecine du comportement des animaux de compagnie Dip. ECAWBM et co-auteur de l'étude, c'est que tout comportement problématique n'est pas obligatoirement attribuable à un environnement inadapté, un problème d'éducation ou un manque de stimulation physique. Même lorsque tous les besoins éthologiques, affectifs et émotionnels d'un animal sont satisfaits, il peut exprimer un mal-être résultant d'un trouble comportemental. Dans ces situations, même le meilleur des maîtres aura beaucoup de mal à surmonter seul les difficultés de son chien et devrait consulter pour obtenir un accompagnement professionnel.


Le syndrome d'hypersensibilité-hyperactivité chez les chiens

Ce cadre étant posé, parlons maintenant du syndrome d'hypersensibilité-hyperactivité chez les chiens, aussi appelé HSHA. C'est un trouble du développement caractérisé par des symptômes manifestes dès le plus jeune âge et non attribuables à d'autres maladies. Ces signes incluent un retard dans le développement du contrôle de la morsure, des difficultés à terminer un comportement, une hypersensibilité à divers stimulus, une hyperactivité excessive, une impulsivité, ainsi qu'un manque d'attention et de concentration.


"Il est essentiel d'évaluer le comportement en fonction de l'âge de l'animal", explique le Dr Masson. "C'est similaire à ce qui se passe chez les humains", ajoute-t-elle, "un enfant qui ne sait pas lire à 3 ans est tout à fait normal, mais à 10 ans avec une scolarisation normale, cela devrait susciter des interrogations et déclencher une prise en charge spécialisée". Ainsi, un chien qui n'a pas acquis la maîtrise de sa morsure passé 3 mois, malgré une communication efficace établie, est une indication qu'une consultation chez un vétérinaire spécialisé peut être nécessaire. le Dr Masson suggère également une autre piste : le chien atteint du HSHA, n'ayant pas les mécanismes d'autocontrôle en place, aura des difficultés à se maîtriser et à apprendre les ordres de base. Ainsi, si après plusieurs séances d'éducation canine, les progrès du chien sont limités ou nettement plus lents que la norme, l'éducateur canin et le propriétaire devraient envisager un trouble comportemental et consulter dès que possible.


Le diagnostic précis de cette affection est crucial, car le traitement du syndrome HSHA nécessite des soins spécialisés et une collaboration rapprochée entre les propriétaires, les vétérinaires comportementalistes et les éducateurs canins. Les approches thérapeutiques incluent généralement une combinaison de thérapie comportementale, de gestion de l'environnement et de médicaments. En effet, l'utilisation de médicaments vise à stabiliser mentalement le chien afin de permettre à la thérapie comportementale d'être efficace. Une fois que les comportements inappropriés ont disparu et que les apprentissages sont intégrés, le traitement médicamenteux est stoppé. Avec cette combinaison de soins, l’amélioration du comportement est presque toujours possible (disparition des problèmes de destructions, agression, hypermotricité et hypersensibilité canalisées etc.), permettant ainsi à tous de mener une vie équilibrée et plaisante.


Évaluation à l'aide d'une échelle structurée

Aujourd'hui, un nouvel outil facile d'utilisation offre aux propriétaires et aux professionnels du comportement canin une méthode précieuse pour dépister le syndrome HSHA chez les chiens et guider la prise en charge médicale. Cette échelle de notation basée sur un bref questionnaire, permet de distinguer un chien en bonne santé d'un chien potentiellement atteint du HSHA en fonction du score obtenu. Elle a récemment fait l'objet d'une validation dans le cadre d'une étude scientifique portant sur 78 chiens diagnostiqués HSHA et 78 chiens en bonne santé.


Les propriétaires ont été invités à répondre à un questionnaire appelé "Dog-ADHD-RS", qui a été développé et affiné au cours de la dernière décennie à partir d'un formulaire utilisé pour étudier les troubles de l'attention chez les enfants. Il permet d'évaluer divers comportements liés au HSHA, tels que l'attention, l'hyperactivité et l'impulsivité. Les propriétaires devaient répondre aux questions en attribuant des notes sur une échelle de 0 à 4, indiquant le degré de fréquence du comportement, allant de "pas du tout" à "extrêmement fréquent". L'agrégation des réponses a permis d'établir un score total pour chaque chien.


Les résultats ont démontré que le score total de l'échelle permet de différencier les chiens atteints de HSHA des chiens en bonne santé, les premiers obtenant un score total plus élevé. Plus précisément, les chercheurs ont évalué la probabilité qu'un chien malade obtienne un score plus élevé qu'un chien sain, confirmant la fiabilité de l'échelle dans 9,5 cas sur 10. Ils ont ainsi suggéré l'utilisation d'un score seuil de 29 ou plus pour identifier les chiens atteints de HSHA, tandis qu'un score inférieur à 14 rendrait improbable la présence du syndrome chez le chien. Toutefois, les chercheurs mettent en garde contre son utilisation isolée. Lorsqu'un score élevé est obtenu, ou en présence de suspicions importantes, une évaluation comportementale approfondie avec un diagnostic différentiel doit être réalisée par un vétérinaire comportementaliste.



figure score moyenne diagnostique HSHA

Implications pratiques : prévenir l'abandon par une évaluation précoce

Néanmoins, cet outil de notation est une ressource utile, aussi bien pour les propriétaires de chiens que pour les experts en comportement canin qui peut permettre de réduire les risques d'abandons liés aux troubles du comportement. En effet, la méconnaissance du syndrome HSHA expose les propriétaires et les éducateurs canins au risque de confondre ses symptômes avec de simples problèmes d'éducation. Cette confusion peut causer de la frustration chez les propriétaires, les conduisant parfois à avoir recours à l'abandon lorsqu'ils se sentent dépassés et pensent avoir échoué dans son éducation. Bien que la prévalence de cette affection demeure inconnue, c'est un des troubles les plus fréquents et il est probable que de nombreux chiens aujourd'hui dans les refuges et considérés comme difficiles à éduquer soient en réalité atteints du HSHA. C'est pourquoi, cet outil qui permet d'améliorer le dépistage de ce syndrome, offre à ces animaux la possibilité de mener une vie épanouissante avec des propriétaires informés et mieux préparés pour gérer cette condition.


Pour conclure, le syndrome HSHA n'est malheureusement pas le seul trouble comportemental mal connu. Parmi les autres affections, le Dr Masson souligne la fréquence des troubles phobiques et des états anxieux, souvent pris en charge trop tardivement. Cependant, un accompagnement par un vétérinaire comportementaliste, peut non seulement aider à prévenir l'abandon ou l'euthanasie, mais surtout contribuer à reconstruire le lien entre le maître et son animal, leur permettant de retrouver une vie heureuse ensemble.


Alors, si vous vous posez des questions, n'hésitez pas à en parlez à votre vétérinaire ou votre éducateur canin comportementaliste pour qu'il puisse vous aider. Si vous voulez en savoir un peu plus sur votre chien tout en aidant à faire avancer la science, voici un questionnaire mis à disposition par le Dr Masson. Et si vous voulez en savoir plus sur la psychiatrie vétérinaire et son histoire, je vous conseille vivement cette vidéo faite par Cynapse.

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